Le collectif 07 STOP AU GAZ DE SCHISTE affirme son refus de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère et autres hydrocarbures dits non-conventionnels (gaz et pétrole de schiste, huiles lourdes, gaz de réservoir compact, gaz de couche, sables bitumineux ...) et de tous hydrocarbures dont l’extraction nécessite l’utilisation de techniques, quel que soit leur nom, nécessitant de fracturer, stimuler, acidifier ou encore de fissurer la roche et ayant pour conséquence de porter atteinte à son intégrité. Il s’oppose à l’aberration économique, sanitaire, environnementale et climatique aux conséquences désastreuses que constituent ces projets pour les départements impactés. Il promeut une transition énergétique, écologique et solidaire.

Après 7 années de lutte, du rassemblement de Villeneuve de Berg 2011 au rassemblement de Barjac en 2016 jusqu’à la loi Hulot 2017, sont enfin abrogés, annulés ou rejetés tous les permis de recherche de l’Ardèche, du Gard, de la Drôme, de l’Isère, de Savoie, du Vaucluse, du Var, des Bouches du Rhône, de l’hérault. Toutefois, AILLEURS, d’autres sont encore valides et la lutte continue : En savoir plus

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Gaz de schiste : lettre ouverte à Jacques Julliard de Marianne

mardi 30 juillet 2013

Largentière, le 30 juillet 2013

Lettre ouverte à Monsieur Jacques Julliard, éditorialiste à Marianne en réponse à son article “Au pays de la pensée magique” dans Le Nouveau Marianne n° 849 du 27 Juillet 2013
(la partie de l’article qui nous concerne figure en copie en fin de cette lettre)

Dans votre article du dimanche 28 juillet intitulé “Au pays de la pensée magique” vous prenez le parti du Ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, en défendant la thèse selon laquelle la France devrait adopter, concernant “l’affaire des gaz de schiste, une attitude rationnelle (qui) consisterait d’abord à enquêter pour savoir si la France en possède, et en quelles quantités ; ensuite, à rechercher activement une méthode d’exploitation qui ne nuise pas à l’environnement”.

Un peu plus loin, vous traitez les opposants aux gaz et huiles de schiste “d’environnementalistes en peau de lapin”.
Votre vision et présentation des opposants aux gaz de schiste (qui ne sont pas tous des "écolos") me semble particulièrement réductrice et provocatrice. Je trouve très dommage de vous voir vous poser en polémiste plus qu’en journaliste objectif, documenté et surtout intègre dans la présentation de vos convictions.
Je vais donc vous donner quelques pistes à creuser sur ce sujet.

Non, Monsieur Jacques Julliard, tous les opposants aux gaz de schiste ne sont pas des écolos, et encore moins des “environnementalistes en peau de lapin”.
Quelques exemples de personnes que l’on ne peut qualifier d’écolos et qui ont pris des positions nettement plus nuancées que vous (et qu’Arnaud Montebourg) quant au miracle du gaz de schiste :

- Nafeez Mosaddeq Ahme, directeur de l’Institute for Policy Research and Development de Brighton, dans un article de mars 2013 nous dit : “Et si la « révolution des gaz de schiste », loin de fortifier une économie mondiale convalescente, gonflait une bulle spéculative sur le point d’éclater ? La fragilité de la reprise autant que les expériences récentes devraient inciter à la prudence vis-à-vis de tels engouements.”

- En juin 2011, une enquête du New York Times révélait déjà quelques fissures dans la construction médiatico-industrielle du “boom” des gaz de schiste, en ébruitant les doutes nourris par divers observateurs, quant aux effets d’annonce des compagnies pétrolières soupçonnées de « surestimer délibérément et même illégalement, le rendement de leurs exploitations et le volume de leurs gisements ».

- Début 2012, deux consultants américains tirent la sonnette d’alarme dans Petroleum Review, la principale revue de l’industrie pétrolière britannique. Tout en s’interrogeant sur la « fiabilité et la durabilité des gisements de gaz de schiste américains », ils relèvent que les prévisions des industriels coïncident avec les nouvelles règles de la Securites and Exchange Commission (SEC), l’organisme fédéral de contrôle des marchés financiers. Adoptées en 2009, celles-ci autorisent en effet les compagnies à chiffrer le volume de leurs réserves comme bon leur semble, sans vérification par une autorité indépendante.
Pour les industriels, la surestimation des gisements de gaz de schiste permet de faire passer au second plan les risques liés à leur exploitation. Or la fracturation hydraulique n’a pas seulement des effets délétères sur l’environnement : elle pose aussi un problème strictement économique, puisqu’elle génère une production à très faible durée de vie. Dans la revue Nature, un ancien conseiller scientifique du gouvernement britannique, David King, souligne que le rendement d’un puits de gaz de schiste décroche de 60 à 90% au terme de sa première année d’exploitation.

Une chute aussi brutale rend évidemment illusoire tout objectif de rentabilité. Dès qu’un forage s’épuise, les opérateurs doivent à toute vitesse en creuser d’autres pour maintenir leur niveau de production et rembourser leurs dettes.
Quand la conjoncture s’y prête, cette course en avant peut faire illusion pendant quelques années. Mais, combinée à une activité économique chétive, la production des puits de gaz de schiste - atone sur la durée, mais fulgurante à brève échéance – a provoqué une baisse spectaculaire des prix du gaz naturel aux Etats-Unis, passés de 7 à 8 dollars par million de BTU en 2008 à 3 dollars en 2012.

- Dans une étude publiée par la revue Energy Policy, l’équipe de King parvient à la conclusion que l’industrie pétrolière a surévalué d’un tiers les réserves mondiales d’énergies fossiles. King et ses collègues récusent catégoriquement l’idée selon laquelle l’exploitation des gaz de schiste pourrait résoudre la crise énergétique.

- Les spécialistes en placements financiers ne sont pas dupes non plus. « L’économie de la fracturation est une économie destructrice, nous avertit le journaliste Wolf Richter dans Business Insider. Pour éviter que cette dégringolade n’entame leurs revenus, les compagnies doivent pomper encore et encore, en compensant les puits taris par d’autres qui le seront demain. Hélas, tôt ou tard, un tel schéma se heurte à un mur, celui de la réalité. »

- M. Arthur Berman un géologue qui a travaillé pour Amoco (avant sa fusion avec BP), se dit lui-même surpris par le rythme « incroyablement élevé » de l’épuisement des gisements. Pour s’assurer des résultats stables, les exploitants vont devoir forer « presque mille puits supplémentaires chaque année sur le même site. Soit une dépense de 10 à 12 milliards de dollars par an… Si on additionne tout cela, on en arrive au montant des sommes investies dans le sauvetage de l’industrie bancaire en 2008. Où est-ce qu’ils vont prendre tout cet argent ? »

- L’analyste John Dizard observait dans le Financial Times du 6 mai 2012 que les producteurs de gaz de schiste avaient dépensé des montants « deux, trois, quatre, voire cinq fois supérieurs à leurs fonds propres afin d’acquérir des terres, de forer des puits et mener à bien leurs programmes. » Pour financer cette ruée vers l’or, il a fallu emprunter des sommes astronomiques.
Selon Dizard, la bulle gazière devrait pourtant continuer de croître, en raison de la dépendance des Etats-Unis à cette ressource économiquement explosive. « Compte tenu du rendement éphémère des puits de gaz de schiste, les forages vont devoir se poursuivre. Les prix finiront par s’ajuster à un niveau élevé et même très élevé, pour couvrir non seulement les dettes passées mais aussi des coûts de production réalistes. »
Il n’est pas exclu que plusieurs grosses compagnies pétrolières se retrouvent confrontées simultanément à une débâcle financière. Si cette hypothèse se confirmait, dit M. Berman, « on assisterait à deux ou trois faillites ou opérations de rachat retentissantes, en vertu de quoi chacun reprendrait ses billes et les capitaux s’évaporeraient. Ce serait le pire des scénarios. »

De plus vous n’êtes pas sans savoir que la France a un quota d’émissions de CO2 à ne pas dépasser d’ici à 2050 pour rester sous les deux degrés de hausse des températures.
Aujourd’hui, les émissions des projets d’extraction fossiles en cours font déjà exploser ce quota. Il est donc impensable, quelle que soit la méthode d’extraction, d’aller chercher de nouvelles ressources fossiles.
L’avenir, c’est donc la transition énergétique, pas le développement de l’énergie carbonée !

J’en aurais autant à vous dire sur la technique que sur les dangers environnementaux irrémédiables que produit l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste. Vous dites, il faut “enquêter pour savoir”, mais la recherche produit déjà des dégâts irrémédiables, pour l’eau, la terre, l’air, pour l’ensemble du vivant, l’homme compris (donc la question animale, qui semble vous préoccuper plus que l’humain).
Mais je ne veux pas abuser de votre temps et comme vos arguments étaient essentiellement économiques, je m’arrêterai là.

Je ne vais toutefois pas terminer ma lettre sans rappeler que vous avouez dans votre article “je n’ai pas de position arrêtée sur la question, qui, techniquement dépasse mes compétences”.
Alors, permettez moi de vous conseiller de vous en tenir, à l’avenir, pour vos commentaires et prises de positions publiques aux sujets qui ne dépassent pas vos compétences, vous éviterez de vous couvrir de ridicule.

Restant à votre disposition pour tout renseignement complémentaire concernant ce sujet,

Pour le Collectif 07,
Paul Reynard, porte-parole

 

Extrait du passage l’article de Jacques Julliard, éditorialiste à Marianne en réponse à son article “Au pays de la pensée magique” dans Le Nouveau Marianne n° 849 du 27 Juillet 2013 concernant le gaz de schiste :

“Après le mensonge du bac, qui s’apparente à la fabrication de fausse monnaie, celui des retraites qui ressortit au déni du réel, voici une troisième espèce de mensonge, qu’Arnaud Montebourg a courageusement débusquée de l’armoire aux secrets où on la tenait cachée : c’est l’affaire du gaz de schiste, ou le devoir d’ignorance.
Comme la plupart des Français, je n’ai pas de position arrêtée sur la question, qui, techniquement dépasse mes compétences. Mais, s’agissant d’une source susceptible d’assurer l’indépendance énergétique de la France pour de longues années et d’abaisser le coût de revient des produits manufacturés, une attitude rationnelle consisterait d’abord à enquêter pour savoir si la France en possède, et en quelles quantités ; ensuite, à rechercher activement une méthode d’exploitation qui ne nuise pas à l’environnement.
Mais ce n’est pas ainsi que procède la pensée magique. Celle-là consiste à déclarer, comme au procès de Zola, que « la question ne sera pas posée ». Car elle déclenche chez les écolos des comportements d’une nature si proche de l’hystérie que le simple énoncé de l’expression « gaz de schiste » suffit à les mettre en transe comme des chiens de Pavlov. Résultat : pour complaire à ces environnementalistes en peau de lapin, totalement indifférents par exemple à la question animale, on a décidé chez Hollande de n’en point parler. Pis que cela : de n’en rien savoir ! Ce pays, jadis béni des dieux, mais à coup sûr aujourd’hui déserté par l’intelligence, est mal barré.”

 

Télécharger la lettre ouverte à Jacques Julliard (pdf 198 ko)