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Accord transatlantique : une atteinte sans précedent des droits fondamentaux démocratiques
samedi 18 janvier 2014
ACCORD TRANSATLANTIQUE :
UNE ATTEINTE SANS PRÉCEDENT
DES DROITS FONDAMENTAUX DÉMOCRATIQUES
L’article (en totalité avec liens) de Danièle Favari sur The Huffington Post.fr
Danièle Favari est juriste de l’environnement et droit européen de l’environnement
"Quelque chose doit remplacer les gouvernements, et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire" avait déclaré Rockfeller. Telles seront les conséquences du traité Tafta (Trans-Atlantic Free Trade Agreement) visant à instaurer une vaste zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union Européenne. Tel est le dessein d’une signature programmée d’ici fin 2014 si l’on ne fait rien.
Bonjour, Organismes Génétiquement Modifiés, lait et bœuf aux hormones, poulet chloré, sans compter les gaz et huiles de schiste, etc... Adieu : circuits courts et relocalisation des activités agricoles, agro- écologie et agriculture paysanne ! Sous des principes prétendument populistes, cet accord n’est pas exempt de réels dangers par l’afflux de produits risquant de porter atteinte à notre sécurité alimentaire car "tout l’enjeu sera d’imposer ses normes et règles à l’autre" [1] .
Pour un bénéfice de 3 centimes d’euros par personne et par jour à l’horizon 2029, ce projet ouvre grand la porte à la domination des multinationales US grâce à la suppression des barrières non-tarifaires, qui cloisonnent les marchés européen et américain et font obstacle à l’expansion de leurs parts de marché, permettant ainsi l’établissement sur notre territoire des entreprises, des filiales ou des succursales américaines et leur accès aux marchés publics à tous les niveaux administratifs. En effet, "les Parties doivent convenir d’accorder un traitement non moins favorable aux entreprises, filiales ou succursales de l’autre Partie que le traitement accordé à leurs propres sociétés, filiales ou succursales, en tenant dûment compte de la nature sensible de certains secteurs spécifiques".
Véritable "machine de guerre" [2], cet accord commercial risque aussi de détruire les normes sociales européennes dans un rapport de force qui n’est pas à notre avantage. Il scellera ainsi la fin du modèle européen social, économique, industriel, culturel et environnemental, et celle des droits des citoyens et des libertés des consommateurs car il constitue une atteinte sans précédent aux principes démocratiques fondamentaux.
Contourner l’impasse de l’Omc - dont les accords sont dénoncés comme étant à l’origine du blocage (Otc : obstacles techniques au commerce) des négociations commerciales multilatérales (programme de Doha pour le développement) et mettre fin à la persistance de la crise économique représente l’ultime étape dans la destruction finale de notre modèle de société sur le point d’être franchie avec pour finalité de subordonner les droits fondamentaux des peuples au commerce, à l’économie et à la finance, au nom de l’éternel "mantra" de la croissance économique.
Quel gain, s’il y a, pour l’Europe ? Selon Karel de Gucht, Commissaire au Commerce, il devrait être de l’ordre de 119 milliards (0,5 % du Pib de l’Europe) ; chiffres devant être pris avec la plus grande précaution [3] car issus d’une étude dont les méthodes d’évaluation et les modèles économiques utilisés sont basés sur des interviews de dirigeants d’entreprises tous favorables à la libéralisation.
Finies aussi les lois nationales gênantes [et la justice étatique] au profit d’une procédure arbitrale privée (ISDS) d’un coût élevé qu’il appartiendra aux parties de désigner - véritable épée de Damoclès dont la décision (appelée "sentence arbitrale") aura force de jugement - qui permettra aux investisseurs privés de contourner les lois des Etats membres avec, à la clé, un risque d’indemnisation élevée. Des précédents existent et encore récemment, c’est l’Equateur qui a été condamné à verser 1,77 milliard de dollars à Occidental Petroleum.
Alors que l’Europe n’a pas encore réalisé son unité dans une politique énergétique commune, "l’Accord comprendra des dispositions concernant le commerce et les aspects liés à l’investissement en ce qui concerne l’énergie et les matières premières." Ce faisant, il ouvre grand la porte aux Compagnies pétrolières étatsuniennes et à la contestation de lois limitant ou interdisant l’usage de certaines formes d’énergie (ex : gaz de schiste).
Alors que tous les documents des institutions européennes sont par définition publics, le blanc-seing donné à la Commission par le Parlement européen et l’ensemble des Etats membres lui permet de maintenir le secret sur les négociations en cours. Fort de l’expérience d’Acta (Accord Commercial Anti-Contrefaçon) qui a été rejeté, les eurodéputés et les membres du Congrès américain sont privés d’accès aux documents, car l’administration d’Obama a opposé son droit de veto. La Commission - qualifiée d’"expertocratie" par Jean-Pierre Chevènement - signe par avance la négation de la liberté qui devrait appartenir aux gouvernements légitimement responsables devant leurs parlements et devant leurs peuples. C’est, selon lui, "l’accord de trop".
Un simple "comité de suivi et de réflexion sur l’accord de partenariat transatlantique" a été mis en place par la Ministre du Commerce extérieur qui est favorable au Traité malgré les risques de nivellement par le bas des règles sanitaires et environnementales alors que, le 14 janvier 2014, s’est tenue à Bruxelles une réunion sous la présidence de Damien Levie, sous-négociateur en chef de l’UE, pour rendre compte des dernières négociations et en évoquer les prochaines étapes ; réunion à laquelle assistaient surtout de nombreux lobbies.
Les prochains mois seront déterminants car l’administration Obama a appelé à la "procédure accélérée" sans amendement pour la ratification du Traité tandis qu’un "bras de fer" s’est engagé avec les Républicains du Tea Party qui ont déposé un projet de loi visant à accroître la transparence des négociations et à obtenir une plus grande consultation du Congrès.
Mariano Rajoy, chef du gouvernement espagnol, promet que l’accord de libre échange sera finalisé avant 2015 ; il y aura donc - au terme des négociations trois moments importants pour agir si nous voulons conserver notre souveraineté - en agissant sur le gouvernement, le Parlement et le Parlement européen à chacune des étapes de ratification.
[1] L’Humanité, 11 novembre 2013
[2] Pervenche Bérès, Députée européenne, elle a présidé la Commission des affaires économiques et monétaires : "le Partenariat transatlantique est une machine de guerre contre le modèle social"
[3] professeur Clive George, économiste senior de l’Université de Manchester
L’article (en totalité avec liens) de Danièle Favari sur The Huffington Post.fr
Danièle Favari est juriste de l’environnement et droit européen de l’environnement
Lire l’article du Collectif 07 SGHDS sur TAFTA