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Ville verte, énergique Rhône-Alpes
mercredi 16 juillet 2014
VILLE VERTE, ÉNERGIQUE RHÔNE-ALPES
Les tensions dont fait l’objet le projet de loi sur la transition énergétique cristallisent un enjeu éminemment sensible. Toutefois de nombreuses initiatives fleurissent en Rhône-Alpes, qui peut compter sur des ressources naturelles abondantes et sur un vivier scientifique favorisant l’émergence d’innovations.
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Durables, multiples et décarbonées... Ces 50 prochaines années, les énergies vertes, fortes de leurs atouts, occuperont à coup sûr une place majeure au niveau régional. Déjà, Rhône-Alpes peut se targuer d’être, à ce jour, la première région européenne pour la production d’énergie renouvelable (EnR), avec pas moins de 25 % sur la totalité de l’énergie produite. « A nous de maintenir cette course en tête pour les énergies renouvelables, grâce à des ressources naturelles abondantes », se félicite Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional Rhône-Alpes.
De fait, qu’il s’agisse de biomasse, d’hydraulique ou d’ensoleillement, Rhône-Alpes dispose d’un fort potentiel en EnR. L’eau, associée aux fortes pentes des territoires alpins, en fait la première région productrice d’hydroélectricité. Elle fournit ainsi 38 % de l’hydraulique français, grâce à 534 usines hydroélectriques. Deuxième source d’énergie majeure, du fait des grandes surfaces forestières : le bois-énergie, utilisé principalement pour le chauffage, et en augmentation de 2 % par an depuis 2006.
Le photovoltaïque a de l’avenir
De son côté, le photovoltaïque qui a connu un fort essor, notamment en Drôme, Ardèche et Isère, représente 9 % de la production nationale. Même s’il n’atteint qu’1 % de la production totale d’EnR en Rhône-Alpes. « Aujourd’hui, le rendement des meilleurs panneaux n’atteint que 20 %, précise Jean-Jacques Duchêne, directeur général de Savoie Technolac. Mais l’Ines (Institut national de l’énergie solaire, Ndlr) travaille sur de nombreux concepts pour améliorer leurs performances, comme des panneaux photovoltaïques bifaces. » Et ces panneaux vont progressivement coloniser la ville, sur les toits comme à la patinoire du quartier Lyon Confluence, ou bientôt sur un parking du quartier de l’Arlequin à Grenoble.
Quant à l’éolien - essentiellement concentré en Drôme et Ardèche - la production reste stable, Rhône-Alpes représentant 3 % de la production nationale. Un peu moins de 0,6 % des EnR produites en Rhône-Alpes sont par ailleurs issus du biogaz. Un chiffre encore faible, même si d’ici 2015, près de 80 unités de méthanisation devraient voir le jour. A l’image de la laiterie coopérative d’Etrez dans l’Ain qui a créé en 2012 une unité de méthanisation du fumier et lisier issus d’une exploitation porcine. 9 000 tonnes de matière organique permettent ainsi de produire 750 000 m3 de biogaz. A la clé : de la chaleur utilisée pour le chauffage des locaux, et de l’électricité revendue à EDF.
« Oser » les énergies vertes
En matière de recherche sur les énergies, la région peut compter sur un riche écosystème scientifique, avec des pôles de compétitivité comme Tenerrdis (Technologies énergies nouvelles, énergies renouvelables Rhône-Alpes, Drôme, Isère, Savoie). Implanté à Grenoble, ce pôle réunit acteurs publics et privés, dont des laboratoires de recherche de pointe tels que l’Ines, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), ou l’Institut français du pétrole énergies nouvelles (IFPEN).
Pour renforcer un peu plus cette dynamique, Rhône-Alpes, la Caisse des dépôts et huit partenaires privés ont créé, fin 2013, Oser, société de capital-risque dédiée au financement de projets de production d’EnR. La nouvelle société, basée sur un cofinancement public-privé, gérera un fonds d’investissement doté de près de 9,5 millions d’euros. Une première en France. « Nous avons réussi à mobiliser des partenaires privés, qui investissent à parité avec la Région, preuve que les énergies renouvelables s’inscrivent dans une réalité économique et qu’elles ont un avenir, souligne Jean-Jack Queyranne. On estime créer un effet de levier de 1 à 10, ce qui permettra de générer 100 millions d’euros dans les projets de production d’EnR sur le territoire. » La société Oser devrait ainsi faire émerger une quinzaine de projets sur le territoire régional. Parmi eux, des unités de méthanisation, des fermes éoliennes, des toitures photovoltaïques sur des bâtiments industriels. Mais aussi des installations micro-hydrauliques.
« De manière générale, on s’achemine vers des technologies plus douces avec davantage de centrales hydroélectriques mais de puissances moins importantes », affirme Nicolas Sielanczyk, en charge des filières émergentes à l’Agence d’études et de promotion de l’Isère (AEPI). A l’image de l’aqualienne, sorte « de roue à aube des temps modernes », développée, fabriquée et commercialisée par la société H3E-Industries. La mairie de Divonne-les-Bains dans l’Ain vient ainsi d’en inaugurer une, après avoir toutefois dû faire face à de nombreuses tracasseries administratives. Un frein, au moins dans un premier temps, au développement de ces éco-turbines hydroélectriques de basses chutes.
Des Kangoo carburant à l’hydrogène
Au-delà des énergies renouvelables offertes par la nature, les recherches portent sur d’autres pistes. A commencer par l’hydrogène, porté par d’importants acteurs comme Air Liquide, basé dans l’agglomération grenobloise. De son côté, la société innovante McPhy Energy conçoit des équipements flexibles de stockage et de production d’hydrogène par électrolyse. Créée en 2008 dans le nord de la Drôme, sa R&D est, elle aussi, installée près de Grenoble. Preuve de son dynamisme, la société est entrée en Bourse début mars, avec à la clé une augmentation de capital de 22 millions d’euros.
Autre acteur majeur du secteur : Symbio Fcell qui développe des piles à combustibles alimentées par hydrogène dans le secteur du transport, en partenariat avec le CEA-Liten. Cette entreprise, prometteuse, a été choisie pour fournir la pile à combustible du HyKangoo, utilitaire électrique de Renault, dont l’autonomie est prolongée grâce à l’hydrogène. « La présence de la pile à combustible permet de doubler le nombre de kilomètres, précise Nicolas Sielanczyk. Sans compter la diminution des nuisances sonores, ces véhicules émettant très peu de bruit. »
D’autres pistes innovantes émergent en matière de production ou de récupération d’énergie, comme celle portée par Christophe Perron, le créateur de Stimergy. Son idée ? Connecter des mini data-centers - par définition émetteurs de chaleur - au système de production d’eau chaude au sein de bâtiments résidentiels, tertiaires, ou de collectivités. En transformant cette énergie calorifique en énergie électrique, la start-up iséroise permettra aux entreprises partenaires de couvrir 95 % de la consommation en électricité de ces mêmes bâtiments et de stocker leurs données dans un cloud écologique.
Un enjeu d’importance puisque les centres de données dégagent autant de CO2 dans l’atmosphère que la flotte aérienne mondiale. Et que leur consommation en énergie équivaut à la production énergétique de plus de 60 réacteurs nucléaires ! Afin de tester ces solutions, quatre installations pilotes vont être déployées en Rhône-Alpes, dans des logements collectifs résidentiels. « Nous ciblons aussi les universités, en particulier celles à caractère scientifique, car elles possèdent souvent des infrastructures très énergivores », précise Christophe Perron qui devrait se lancer sur le marché à grande échelle à la mi-2015.
Quand les réseaux électriques deviennent intelligents
Les multiples apports de ces énergies vertes intermittentes nécessitent toutefois de repenser totalement la distribution d’électricité, telle qu’elle a été mise en œuvre durant l’ère du "tout nucléaire". « ll s’agit d’adapter production et consommation, affirme Jacques Longuet, directeur inter-régional d’ERDF Rhône-Alpes Bourgogne. Plus on injecte de puissance intermittente, comme avec le solaire ou l’éolien, plus le réseau doit être intelligent pour parvenir à cet équilibre. »
D’où la montée en puissance des fameux smart grids. GreenLys, projet expérimental labellisé par Tenerrdis, préfigure ce modèle énergétique de demain. Premier démonstrateur à tester le fonctionnement d’un smart grid dans sa globalité, il implique tous les acteurs du marché de l’électricité, du producteur au consommateur final. Et ce, sur deux plateformes technologiques basées à Lyon et Grenoble qui partagent toutefois un même système d’information permettant de suivre et de piloter l’ensemble des sites. Près de 1 000 clients résidentiels et 40 sites tertiaires devraient participer à l’expérimentation. De quoi en évaluer les bénéfices sociologiques, environnementaux, économiques et technologiques.
GreenLys vise notamment à tester des solutions de pilotage intelligent du réseau et des outils de planification, comme les compteurs communicants Linky développés par ERDF ou la Box Energie de Schneider Electric. Une autre de ses ambitions est de rendre le client "consomm’acteur" via des équipements de contrôle et des offres tarifaires simulées. Mais aussi avec des services innovants, de type alertes de consommation ou visualisation des consommations par usages. Trois cent trente clients testeurs grenoblois et lyonnais en sont ainsi d’ores et déjà équipés. Au final, ce projet collaboratif permettra de définir les étapes de la transition vers le réseau électrique intelligent de demain.
Ecocité : la ville verte de A à Z
Grenoble et Lyon sont à coup sûr en pointe en la matière. Elles font d’ailleurs partie des 19 Ecocités, grands projets d’aménagement urbain durable avec une cohérence architecturale, énergétique et sociale. L’enjeu ? Rendre les villes davantage respectueuses de leur milieu et moins consommatrices d’énergie. La démarche s’inscrit dans la lutte contre la pollution de l’air et le réchauffement climatique, en particulier en favorisant l’utilisation des ressources renouvelables locales et la sobriété des constructions. « Grenoble, dont le projet est surtout concentré sur le secteur de la presqu’île, fait sans doute partie des Ecocités les plus matures car la ville et la Métro ont réussi à avoir une vision d’ensemble », souligne Olivier Sala, directeur général du fournisseur d’énergie GEG, acteur très impliqué dans ce projet.
Pour Régis Largillier, chargé de développement des villes intelligentes chez Schneider Electric, les économies d’énergie représentent un enjeu de taille. « La meilleure énergie que l’on peut avoir, c’est celle que l’on ne consomme pas. Nombre de progrès restent à faire dans ce domaine. Cela nécessite des changements complets et une collaboration entre des acteurs qui n’ont pas forcément l’habitude de travailler ensemble. » Autre changement majeur à intégrer : la fin de la relation client-fournisseur. « On va maintenant consommer et produire de manière différente, avec des échanges d’énergie. » Le début d’une nouvelle ère.
Alerte sur les coûts du nucléaire
Le constat de la Cour des comptes est sans appel : le coût de production de l’électricité nucléaire s’envole. Le rapport sur le coût de production de l’électricité nucléaire rendu public le 27 mai, tire même la sonnette d’alarme. Entre 2010 et 2013, la facture a connu une forte hausse, passant de 49,6 euros par mégawattheure (MWh) à 59,8 euros/MWh. Soit une augmentation de 20,6 % en euros courants, liée notamment aux investissements de maintenance et de sécurité, passés de 1,75 milliard d’euros en 2010 à 3,8 milliards en 2013. Raison principale de ce renchérissement, selon la Cour des comptes : la prolongation de la durée d’exploitation des réacteurs au-delà de 40 ans.
Dans ce contexte, comment le paysage énergétique pourrait-il être repensé ?
« Plusieurs facteurs de rupture peuvent bouleverser le paysage énergétique traditionnel, estime François Lévêque, professeur d’économie au Cerna de l’Ecole des Mines ParisTech. « Le premier, déjà observable, est un déploiement massif des énergies renouvelables, qui fait baisser les prix sur les marchés de gros de l’électricité, ce qui mine la rentabilité de la production conventionnelle. » Second facteur : le développement du stockage à un coût raisonnable. « Le jour, sans doute lointain, où l’innovation réussira à mettre au point du stockage économique, l’ensemble de la production d’énergie sera bouleversé.
Aujourd’hui en effet, toute l’économie de l’électricité et l’organisation des marchés électriques sont construites autour de la nécessité d’équilibrer à chaque instant l’offre et la demande d’électricité. » Le troisième facteur de rupture est la numérisation. « Demain les technologies de l’information et de la communication permettront de réduire la consommation d’énergie en optimisant son usage, en pilotant à distance les appareils ménagers, ou en exploitant les données sur les comportements des consommateurs. »
De nouveaux rapports de force
« Auparavant, les producteurs étaient souvent intégrés sur l’ensemble des activités - production, transmission, distribution et fourniture au consommateur final - et en petit nombre, voire en monopole, rappelle François Lévêque. Ils disposaient d’un rapport de force favorable face aux consommateurs. » Aujourd’hui, les intérêts sont éclatés. « Les rapports de force sont donc plus difficilement lisibles et de plus en plus instables. Une instabilité par ailleurs renforcée par des politiques énergétiques changeantes, selon les alliances électorales et les mouvements d’opinion. » Seule constante : les consommateurs continuent de peser faiblement et l’intérêt des générations futures est de moins en moins pris en compte, selon l’économiste.
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