Le collectif 07 STOP AU GAZ DE SCHISTE affirme son refus de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère et autres hydrocarbures dits non-conventionnels (gaz et pétrole de schiste, huiles lourdes, gaz de réservoir compact, gaz de couche, sables bitumineux ...) et de tous hydrocarbures dont l’extraction nécessite l’utilisation de techniques, quel que soit leur nom, nécessitant de fracturer, stimuler, acidifier ou encore de fissurer la roche et ayant pour conséquence de porter atteinte à son intégrité. Il s’oppose à l’aberration économique, sanitaire, environnementale et climatique aux conséquences désastreuses que constituent ces projets pour les départements impactés. Il promeut une transition énergétique, écologique et solidaire.

Après 7 années de lutte, du rassemblement de Villeneuve de Berg 2011 au rassemblement de Barjac en 2016 jusqu’à la loi Hulot 2017, sont enfin abrogés, annulés ou rejetés tous les permis de recherche de l’Ardèche, du Gard, de la Drôme, de l’Isère, de Savoie, du Vaucluse, du Var, des Bouches du Rhône, de l’hérault. Toutefois, AILLEURS, d’autres sont encore valides et la lutte continue : En savoir plus

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On a trop de pétrole : si on essayait d’autres idées ?

lundi 26 septembre 2016

ON A TROP DE PÉTROLE : SI ON ESSAYAIT D’AUTRES IDÉES ?

Maxime Combes et Nicolas Haeringer décryptent le dernier rapport du centre de recherche Oil Change International, publié jeudi 22 septembre. Et vulgarisent des données qui mettent en lumière l’obligation de sortir de l’ère des combustibles fossiles.

L’accord de Paris n’est officiellement pas encore entré en vigueur - il ne sera définitivement adopté qu’une fois que 55 États, représentant 55% des émissions de gaz à effet de serre l’auront ratifié (ou "rejoint").

Il n’y a pourtant pas de temps à perdre pour passer à sa mise en œuvre concrète. Bien sûr, la COP22, qui s’ouvrira à Marrakech début Novembre, est censée être dédiée, presque entièrement, à la question des solutions.

Il est toutefois crucial que les négociations ne passent pas à côté de la solution essentielle : sortir de l’ère des combustibles fossiles. C’est ce que vient opportunément rappeler Oil Change International dans son dernier rapport “The sky’s the limit”, publié ce 22 septembre.

Ce centre de recherche se dédie à mettre en évidence les véritables coûts des combustibles fossiles.

Oil Change International fait partie de ses acteurs qui ont largement contribué à populariser la notion de "budget carbone" - autrement dit à faire le lien entre le réchauffement climatique et nos émissions cumulées de gaz à effet de serre. Ce lien permet en effet de calculer la quantité de gaz à effet de serre qui peut-être relâché dans l’atmosphère, d’ici à une date butoir (en l’occurrence 2050) si nous voulons préserver nos chances de maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C, voire au plus près des 1,5°C - comme le préconise l’article 2 de l’accord adopté l’an passé à l’issue de la COP21.

Cette quantité maximale de gaz à effet de serre que nous ne pouvons pas dépasser sous peine de renoncer à tenir cet objectif constitue notre "budget carbone". Cette notion n’a pas uniquement une vocation heuristique : elle devrait guider les politiques publiques de tous les États réellement déterminés à construire un futur préservé du chaos climatique.

Mis en relation avec les quantités de carbone que contiennent les réserves (les gisements actuellement exploités ou en passe de l’être) et les ressources (l’ensemble des gisements recensés) de combustibles fossiles, ce "budget carbone" nous permet en effet de déterminer ce qu’il est possible d’exploiter et ce qui doit impérativement rester dans le sous-sol.

Le rapport "the sky’s the limit" réactualise les précédents calculs en les affinant. Et la conclusion à en tirer est aussi claire que limpide : nous devons progressivement fermer les mines et autres gisements actuellement exploités.

Selon Oil Change International, en effet, les émissions potentielles des réserves fossiles dépassent notre budget carbone. Pour le dire autrement, si nous exploitons l’ensemble des gisements actuellement exploités ou pour lesquels l’infrastructure extractive est déjà en place, nous sortirons irrémédiablement de la trajectoire d’un réchauffement limité à +2°C.

Pire : extraire les seuls gaz et pétrole des gisements actuellement exploités suffirait à nous projeter au-delà des 1,5°C. On imagine sans peine ce qu’il en serait si les entreprises charbonnières exploitaient de surcroît l’ensemble du minerai de charbon d’ores et déjà à portée de pioche comme d’excavatrice.

Tout responsable politique sensé en tirerait donc les conclusions suivantes :

- aucune nouvelle infrastructure extractive ne doit être construite, pas plus que de nouveaux oléoducs, gazoducs, terminaux portuaires méthaniers, pétroliers ou charbonniers ne doivent être mis en service.
- aucun gouvernement ne devrait plus accorder de permis (d’exploitation, bien sûr, mais aussi d’exploration)
- de nombreuses mines, puits, champs, etc. devraient être fermés progressivement avant que l’exploitation de leurs réserves n’arrive à son terme, en particulier dans les pays les plus riches - et des transferts financiers importants doivent permettre aux pays les plus pauvres pour qu’ils développent les énergies renouvelables
Toute autre attitude reviendrait à nier les faits et les données consignés dans ce rapport, fruit des scénarios scientifiques d’évolution du climat.

À ce stade, cette sortie de l’ère des combustible fossile peut encore s’envisager de manière relativement progressive - mais plus nous repoussons le moment où nous l’engagerons réellement (plus nous attendons avant de fermer des mines, puits ou champs ; plus nous continuerons à accorder de nouveaux permis, etc.) plus la sortie qui s’imposera à nous sera brutale. Outre le risque climatique, ce qui est ici en jeu, c’est la capacité qu’ont les acteurs, privés comme publics, à anticiper un changement de modèle économique et financier - l’anticiper pour le préparer, l’absorber et éviter que le choc ne soit trop brutal (climatiquement, mais aussi économiquement et socialement).

De ce point de vue, certains signaux sont positifs et poussent à l’optimisme - en particulier l’essor des énergies renouvelables, y compris dans des pays comme la Chine. Les investisseurs sont de plus en plus nombreux à renoncer à soutenir le secteur fossile, comprenant qu’il nous mène droit dans le mur.

Mais les multinationales du secteur des combustibles fossiles n’entendent pas faciliter la transition, au contraire. Elles continuent de dépenser des centaines de millions d’euros pour faire pression sur les chefs d’état et de gouvernements et sur les parlementaires du monde entier, pour bloquer toute législation climatique ambitieuse. Ainsi, les acteurs du secteur prévoient d’investir plus de 14 milliards de dollars dans la construction de nouvelles infrastructures dédiées à l’extraction ou au transport de matière fossile - ce qu’Oil Change International hésite à qualifier : "gaspillage énorme d’argent" ou "dose de léthale de capital".

Le secteur public n’est pas en reste, qui continue à accorder des subventions massives à l’industrie fossile. On rappellera ici que le FMI avait calculé que, dans une définition large des subventions (dite "pigouvienne", qui prend en compte les aides directes, les aides indirectes comme la non prise en compte des "externalités" dans le prix), l’industrie fossile touche l’équivalent de 5340 milliards de dollars par an (soit 168 000 dollars par seconde - soit 10 ans de SMIC)

Ces chiffres sont à double tranchant : ils donnent une impression de vertige et attestent de l’ampleur de la tâche. Les enjeux financiers sont en effet tels que jamais Total, BP, Exxon, Vattenfall, RWE et consors ne renonceront à leur magot. Ils sont toutefois, à certains égards, rassurant et libérateurs : l’énergie fossile apparaît ainsi pour ce qu’elle est. À savoir : une énergie extrêmement coûteuse, dangereuse pour la planète, pour nos droits et notre futur. Une industrie qui ne tiendrait pas si on prenait en compte ses coûts (économique comme social et humain réels). Pour le dire autrement : notre dépendance aux combustible fossiles ne repose pas sur leur faible coût, leur innocuité et leur capacité à contribuer à l’émancipation humaine. Elle repose sur un choix politique et social historiquement construit - et daté. Un choix réversible, pour peu que nous nous en donnons les moyens.

L’un des grands mérites du mouvement anti-nucléaire est précisément d’avoir montré que l’atome est une source d’énergie aberrante - dont le maintien doit tout à l’alliance entre des grands groupes industriels et l’état.

Les combustibles fossiles sont, de ce point de vue, totalement comparables aux matières fissiles. Il est donc urgent de sortir des unes comme des autres.

Partant de là, les perspectives sont claires : tant que les États ne prendront pas leurs responsabilités, nous devons prendre les nôtres et faire barrage au charbon, au gaz et au pétrole*.

Nous avions déjà développé quelques pistes, autour du tryptique résistance, non-coopération et alternatives - le rapport d’Oil Change International renforce la nécessité d’une "désobéissance climatique ! Elle apparaît d’autant plus importante que les projections d’Oil Change International ne nous garantisse que 66% de chances de tenir l’objectif des 2°C et 50% de tenir celui des 1,5°C - si nous voulons augmenter ces chances, nous devons faire preuve de plus de volontarisme.

Maxime Combes et Nicolas Haeringer

* Maxime Combes est membre d’Attac et auteur de “Sortons de l’âge des fossiles, manifeste pour la transition”, paru aux éditions du Seuil (collection Anthropocène)
* Nicolas Haeringer est chargé de campagne pour 350.org et a publié “Zéro fossile : sortir du charbon, du gaz et du pétrole pour sauver le climat”, paru aux éditions Les Petits Matins.
* Ensemble, ils ont participé à la coordination de l’ouvrage “Crime Climatique, Stop ! l’appel de la société civile” (Le Seuil, collection anthropocène).

Article de Nicolas Haeringer sur son blog Médiapart