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Gaz de schiste : ce mois d’avril de tous les dangers !
lundi 4 avril 2016
GAZ DE SCHISTE : CE MOIS D’AVRIL DE TOUS LES DANGERS !
L’hécatombe du secteur pétrolier entraînera-t-elle dans son sillage les établissements financiers ? Dans ce cas, les répercussions seraient mondiales.
Par Bertrand Chokrane
Le modèle économique de l’industrie du schiste a toujours été fragile, mais tant que les cours du pétrole restaient élevés, les banques et les fonds d’investissement n’étaient pas trop sourcilleux et s’engouffraient dans ce type de financement très spéculatif.
Un modèle basé sur un endettement intensif
Dans un modèle économique classique, une entreprise commence à gagner de l’argent une fois que son point mort est franchi et elle profite d’un effet cumulatif des revenus générés par l’investissement de départ.
Mais pour les gaz de schiste, c’est différent. La première année d’exploitation, le puits rapporte 70 % du pétrole qu’il contient, puis les 30 % restants sont extraits au cours des années suivantes. Autrement dit, pour maintenir sa production et rembourser sa dette, l’entreprise doit ouvrir un nouveau puits et s’endetter à nouveau... Au moment où les dettes ont été contractées, le cours du pétrole était élevé, si bien que cette particularité ne posait pas de problème aux financiers. Mais on s’est rapidement aperçu que les puits s’épuisaient plus rapidement que prévu...
Et les Shadocks pompaient, pompaient...
Le paradoxe, c’est qu’à la suite de la baisse des prix du pétrole, les entreprises ont augmenté leur production pour maintenir leurs revenus et rembourser leurs dettes et elles ont cherché des techniques d’extraction plus performantes, plus rapides avec des installations de forage moins coûteuses, arguant ainsi une meilleure rentabilité. D’aucuns y voyaient la réponse appropriée à la baisse des cours et un moyen de résistance du secteur. Mais comme les techniques sont plus performantes, les puits sont épuisés plus rapidement et il faut de nouveau en creuser d’autres et, pour ce faire, s’endetter à nouveau...
Dans le secteur du schiste, c’est l’hécatombe
À cela s’ajoute que l’endettement initial n’est pas effacé et qu’il faut bien le rembourser. Fin 2014, les assurances qui couvraient le risque de baisse des cours se sont retirées du marché. Il ne restait plus que les banquiers pour soutenir l’activité. Avec un niveau d’endettement qui dépasse sept fois leurs résultats, 60 % des sociétés du schiste ne travaillent que pour rembourser leur dette et sont incapables de se désendetter. Les dettes se sont accumulées à tel point qu’elles ne sont plus remboursables. Devant ce constat, les banques sont contraintes de cesser leur financement.
Les compagnies de pétrole traditionnelles sont affaiblies
Cette industrie bénéficie d’un modèle économique vraiment rentable, mais à ces niveaux de cours, les pertes s’accumulent aussi. Certaines n’ont plus les moyens d’investir, car elles manquent de cash et en sont réduites à fermer des gisements.
Tout le secteur pétrolier représente un risque pour la finance
Il y a un risque de propagation à toute l’industrie financière puisqu’une bonne partie de ces dettes ont été titrisées, c’est-à-dire qu’elles ont été revendues en tant qu’actifs financiers à des fonds ou des banques d’investissement. Ils sont devenus des actifs toxiques.
Et si les cours du pétrole remontaient ?
Selon la logique traditionnelle économique, la chute des plus fragiles permet d’assainir un marché. Le secteur du schiste a déjà perdu 60 % de ses capacités, mais pour autant, le marché ne sera pas assaini.
Avril, le mois de tous les dangers...
Aux États-Unis, à la fin des 4 premiers mois de l’année (le premier « quarter »), les comptes sont clôturés et les banques réexaminent leurs crédits. Elles pourraient être contraintes de couper les financements
Retour aux réalités
Ce qui est certain en revanche, c’est que l’indépendance énergétique et la réindustrialisation des États-Unis n’ont été qu’un leurre. En 2015, les États-Unis ne produisaient que 56 % de leur consommation totale et importaient le reste. Qui peut parler d’indépendance énergétique dans ces conditions ? Car la première puissance mondiale demeure, avec la Chine, le premier importateur mondial d’hydrocarbures.
Lire l’article de Bertrand Chokrane sur Le Point