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Gaz et pétrole de schiste américain : l’environnement sacrifié, avec en prime la déroute énergétique et économique ?
mardi 16 décembre 2014
GAZ ET PÉTROLE DE SCHISTE AMÉRICAIN : L’ENVIRONNEMENT SACRIFIÉ, AVEC EN PRIME LA DÉROUTE ÉNERGÉTIQUE ET ÉCONOMIQUE ?
Article de Benjamin Dessus
La plupart des articles de presse consacrés aux conséquences positives ou négatives de la chute brutale des cours du pétrole engendrée par la décision de maintien de sa production par l’Arabie Saoudite insistent sur les difficultés économiques que rencontrent et vont rencontrer les pétroliers qui voient leur marges diminuer dangereusement.
C’est vrai pour tous les gisements de pétrole et de gaz dont les coûts d’extraction sont élevés (offshore profond, gisements de l’Arctique, etc.) et en particulier ceux de pétrole et de gaz de schiste américain. D’où les craintes d’une bulle « pétrole et gaz de schiste » analogue à celle d’internet avec les faillites et les concentrations d’entreprises qui s’en sont suivies.
Par contre, ces commentaires ont très peu pointé les conséquences d’une caractéristique très particulière des gisements de pétrole et de gaz de schiste.
Au contraire des pétroles et gaz conventionnels en effet, les puits de gaz et de pétrole de schiste se caractérisent par une production très rapidement déclinante dans le temps : alors que les puits conventionnels produisent généralement plusieurs dizaines d’années, ceux de schiste voient leur production décliner très rapidement, dès la seconde année pour devenir marginale dès la quatrième ou la cinquième année comme le montre la figure 1. Lire l’article sur le blog Médiapart de Benjamin Dessus
Cette caractéristique très particulière a deux conséquences contrastées :
Les entreprises qui ont investi dans de tels puits se remboursent beaucoup plus rapidement des investissements initiaux que leurs concurrents des puits conventionnels. Ils ont donc toute chance, sauf si les cours chutent drastiquement, de parvenir à équilibrer leurs comptes rapidement, d’autant que les frais d’exploitation des puits ne représentent qu’une très faible part du coût total d’extraction.
Par contre ils n’on plus aucune raison de continuer à investir dans de nouveaux puits de gaz ou de pétrole ou de gaz de schiste dans des conditions de marché dégradé.
Le vrai risque n’est donc pas tant l’effondrement des entreprises concernées que l’effondrement de la production américaine de gaz et de pétrole de schiste comme nous l’avons signalé en vain depuis plusieurs années (1) en soulignant l’analogie de cette activité avec une pyramide de Ponzi.
La panne d’investissement n’aura que des conséquences mineures à court et moyen terme sur les gisements de gaz conventionnels dont la production s’étale sur plusieurs dizaines d’années. Tout au plus se fera-t-elle sentir si les besoins de pétrole ou de gaz augmentaient dans la période.
Par contre, la même panne sur quelques années risque de provoquer l’effondrement de la production de pétrole ou de gaz de schiste comme le montre la figure 2, avec des conséquences désastreuses sur les entreprises qui ont investi sur la foi en la pérennité d’une telle manne, comme la chimie ou les usines de liquéfaction du gaz dont l’amortissement des investissements se compte en dizaines d’années.
On assistera alors, en plus du désastre écologique attendu (destruction des paysages, pollution locale du sol et des eaux, fuites de méthane dans l’atmosphère) à une cascade de déroutes industrielles consécutives à cet effondrement brutal de la production de gaz et de pétrole de schiste.
Cela devrait constituer un élément de réflexion pour les tenants inconditionnels des gaz et pétrole de schiste qui écartent d’un revers de main les questions d’environnement au profit de la croissance économique et de l’emploi.
(1) Voir par exemple Que penser des gaz de schiste, Benjamin Dessus, ou Déchiffrer l’énergie, Benjamin Dessus, Editions Belin, 2014.
Lire l’article sur le blog Médiapart de Benjamin Dessus