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SONDAGE OU INTOX : une belle opération de communication.
jeudi 28 mars 2013
« Gaz de schiste : 80% des français éclairés favorables à l’expérimentation d’une technologie alternative » titre le web. Magazine Enerzine [1], suite à un sondage réalisé par l’IFOP [2] pour la société Ecorpstim, filiale de la société gazière eCorp [3], titulaire entre autres du Permis de recherche de Gex.
Un français « éclairé » est celui qui, comme 53% des 1508 personnes sondées en février 2013, croit « savoir de quoi il s’agit ». Et dont les réponses montrent que beaucoup n’ont eu qu’une information partielle, voire partiale…Remarquons d’abord que 80% de 53%, ça ne fait jamais que 42% et que l’astuce permet de présenter les résultats sous un jour un peu biaisé.
Mais soyons positifs. Ce sondage affirme que 92% des français ont entendu parler des gaz de schiste, et qu’une immense majorité de ceux qui « savent » (entre 90 et 94%) est consciente des risques environnementaux liés à la consommation d’eau et à la pollution des nappes « par les produits chimiques utilisés ». On ne leur a pas posé la question des autres risques comme la migration du gaz, les remontées de métaux lourds ou d’éléments radioactifs, les risques sismiques, les émanations de gaz dans l’air…dommage ! Toutefois 85% des mêmes estiment que « l’exploitation des gaz de schiste est un technique que l’on maitrise mal ».
Ensuite plus de 70% de ces « français éclairés » (soit 37% de l’échantillon total) pensent que cette exploitation « augmenterait l’indépendance énergétique de la France » (de combien ? la question n’est pas posée, et pour cause !), que « les ressources de gaz de schiste sont importantes en France » (c’est combien importantes, alors que personne ne sait vraiment ?) et qu’elle « créerait de nombreux emplois en France » (oui, quelques centaines selon le Rapport du Conseil Général de l’Economie, de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies…sans parler des emplois perdus dans l’agriculture ou le tourisme !). On voit bien à quelles lanternes ont été éclairés ces Français-là …qui restent toutefois plus sceptiques (autour de 60%) sur une la ré-industrialisation du pays, le recul induit du nucléaire ou l’action sur la baisse des prix.
Concernant des forages scientifiques « pour évaluer les ressources présentes en France » 58% des citoyens « éclairés », soit 31% des sondés, se disent plus ou moins favorables : leur a-t-on dit que ces forages seraient réalisés par des entreprises (et pas par des scientifiques) dont l’intention est bien d’exploiter ce qu’ils pourraient trouver ?
Enfin vient la vrai question de Ecorpstim, société qui cherche à promouvoir la « stimulation des puits » par le propane : « s’il existait aujourd’hui une technique alternative qui ne nécessiterait ni eau, ni produits chimique pour extraire le gaz de schiste, seriez-vous favorables à ce qu’elle soit testée à titre expérimental en France ? » Ben oui…si on pouvait avoir le beurre et l’argent du beurre, on pourrait se laisser tenter. A part que la technique promue par Ecorpstim est « expérimentale » et utilise du propane, gaz dangereux, explosif et asphyxiant …ce qu’on a oublié de dire aux sondés dont 46% (80% de 53%) se sont laissés prendre au mirage de l’extraction propre.
« Un bel exercice de communication » comme le résume sobrement Pierre Le Hir sur le site du Monde du 27 mars [4].
JC
En quelques lignes :
- ecorpStim emploi le mot de stimulation mais c’est bien de la fracturation au propane.
- la fracturation au propane a un coût très élevé. Les compagnies qui mangent déjà leurs fonds de culottes avec la fracturation conventionnelle n’auront pas les moyens de se lancer dans ce mode d’exploitation.
- la fracturation au propane n’empêche pas la remontée des radio-nucléïdes, des métaux lourds, des acides et autres produits qui sont dans la roche mère. Tous ces effluents de la fracturation que l’on ne sait pas traiter.
- la fracturation au propane n’empêche pas la pollution des nappes phréatiques par les failles ou par les ruptures de la cimentation des puits.
- la fracturation au propane nécessite de l’eau pour le forage. Il est vrai, moins que lors de la fracturation hydraulique, mais toujours avec une quantité d’ajouts de produits chimiques.
- la fracturation au propane, comme la fracturation hydraulique peut déclencher des mini séïsmes, voir des séïsmes importants dans des régions au sous-sol instable, comme dans les zones karstiques du sud-est de la France.
En conclusion, on remplace le mot fracturation qui fait peur par stimulation, on remplace l’eau par du propane qui va en rajouter une couche au niveau de l’effet de serre, mais on ne change rien, ni à la méthode, ni aux risques induits !
On emballe tout ça dans un joli sondage et Arnaud “Fraking” Montebourg n’a plus qu’a signer les demandes de travaux !
PR