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Températures extrêmes et gaz à effet de serre
samedi 23 mai 2020
Une canicule sans précédent au printemps écrase l’est de la Méditerranée
Depuis le 16 mai, une vague de chaleur intense et inédite s’abat sur la Méditerranée orientale. Cela n’est jamais arrivé si tôt dans l’année, alors que l’été est encore loin.
C’est une triste première dans l’histoire de la Méditerranée orientale : une vague de chaleur intense et précoce frappe depuis le 16 mai la région, du sud de l’Italie à Israël. « On peut qualifier cet épisode d’exceptionnel, indique à Reporterre Emmanuel Demaël, prévisionniste à Météo France. La chaleur est estivale, déjà torride. C’est inhabituel pour le milieu du mois de mai dans la partie est du bassin méditerranéen. »
En Italie, en Grèce, à Chypre et en Turquie, les services météorologiques locaux ont enregistré des températures jamais atteintes à cette période de l’année. La semaine dernière, il a fait jusqu’à 44,5 °C à Tire, en Turquie, 41,8 °C à Plora, en Grèce, 39,9 °C à Palerme, en Italie, et 43,5 °C à Morphou, à Chypre.
« Nous avons traversé une grosse vague de chaleur qui a duré environ une semaine, raconte à Reporterre Marie, 31 ans, qui réside à Nicosie, capitale de l’île. Même si le déconfinement a commencé à Chypre, les rues étaient désertes l’après-midi, à cause des températures étouffantes. »
« Globalement, nous sommes en train de battre des records depuis au moins une quinzaine d’années »
« Cette situation n’est pas étonnante, dit Hervé Le Treut, climatologue et ancien membre du Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat). On ne peut jamais savoir si un événement isolé aurait pu se produire de manière naturelle, sans action humaine. Cependant, lorsque l’on observe l’évolution du climat sur plusieurs décennies, on voit que ces épisodes de réchauffement localisés sont corrélés aux émissions de gaz à effet de serre. Globalement, nous sommes en train de battre des records depuis au moins une quinzaine d’années », rappelle-t-il. « Il y a dix ans, nous avions quelques degrés de moins pour une même dynamique atmosphérique », confirme Emmanuel Demaël.
« Cette année, les 30 °C ont déjà été dépassés à Paris. En France, nous sommes également dans un contexte beaucoup plus chaud que la normale pour le mois de mai », observe Emmanuel Demaël.
Climatologues et prévisionnistes s’attendent à ce que la situation empire dans les années à venir. « Les vagues de chaleur au cœur de l’été risquent d’être plus fréquentes et fortes, et de s’étendre dans la durée en rognant sur le printemps et l’automne », explique Emmanuel Demaël. Les recherches les plus récentes sont encore plus pessimistes. Une étude publiée le 4 mai dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences affirme qu’un tiers de l’humanité pourrait vivre dans des endroits aussi chauds que le Sahara d’ici 2070 si rien n’est fait pour enrayer le dérèglement du climat.
« Le système continuera de se réchauffer tant que nous n’aurons pas réduit les émissions à un niveau proche de la neutralité carbone »
Une autre étude, publiée cette fois dans la revue Science Advances, montre que des niveaux de température et d’humidité tels que le corps humain ne peut y survivre ont déjà été atteints, pendant une à deux heures, dans deux stations météorologiques du golfe Persique. Le groupe de chercheurs estime que ces conditions climatiques extrêmes pourraient être régulièrement rencontrées avec un réchauffement climatique de moins de 2,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Leurs résultats sont d’autant plus inquiétants que, d’après les prévisions d’un groupe de scientifiques français, la hausse des températures mondiale devrait, dans le meilleur des cas, atteindre 2 °C en 2040. Sans action rapide et d’envergure pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, la température terrestre pourrait augmenter de 7 °C d’ici 2100.