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Le gaz de schiste : une bulle spéculative
lundi 8 août 2011
Des courriels échangés par des spécialistes et révélés par le New York Times suggèrent que la productivité de cet hydrocarbure non conventionnel est délibérément exagérée.
Et si, en plus du reste, le gaz de schiste comptait au rang des investissements tout pourris ? La question se pose depuis que, la semaine dernière, le New York Times a révélé des échanges entre spécialistes de l’exploitation gazière, suggérant que le potentiel accordé à cet hydrocarbure non conventionnel est délibérément exagéré. Selon des centaines de courriels et de documents collectés par le journaliste Ian Urbina et mis en ligne sur le site du quotidien américain (1), l’exploitation du gaz de schiste ne serait pas aussi bon marché que prétendu officiellement.
Au reste, la productivité des puits et la taille des réserves seraient intentionnellement – et donc illégalement – surestimées par les producteurs afin d’attirer les investisseurs.
In fine, des écrits émanant de géologues d’État, d’avocats d’affaires, d’analystes économiques ou encore de responsables industriels alertent sur une spéculation aveugle autour du gaz de schiste qui pourrait déboucher sur une bulle, semblable à la bulle Internet, voire à celle qui a coulé Enron. En 2001, l’entreprise de courtage texane avait sombré après avoir maquillé des pertes sur le marché de l’électricité dues à des opérations spéculatives.
Certains messages soufflent que l’on frise le même type d’« incident ». « L’argent (des investisseurs) coule à flots », alors que les gaz de schiste « sont intrinsèquement non rentables », écrivait, en février, un analyste du groupe d’investissement PNC Wealth Management. Et d’ajouter : « Rappelez-vous (ce qui s’est passé) avec les .com (Internet). » Le même mois, un géologue retraité d’une major pétrolière alertait pareillement. « Ces entreprises sont dans une situation “à la Enron” (…). Elles masquent la lumière pour taire la vérité. » Le scepticisme s’entendrait au sein même des industries. D’après un pétrogéologue de Houston, les plus gros industriels américains surestimeraient de 73 à 350 % le montant des réserves exploitables au Texas. Un autre, salarié de la société Chesapeake, leader sur le marché, écrit : « Nos ingénieurs projettent que ces puits produiront pendant vingt-trente ans, mais il reste à prouver que c’est viable. (...) En fait, je suis assez sceptique, au vu du déclin de la production dès la première année (d’exploitation). »
Une chose que les industriels se gardent bien d’avancer, souligne Ian Urbina, qui rappelle les récents messages assurant un futur prometteur à l’exploitation de gaz de schiste et draguant les investisseurs. Pourtant « il est plus rentable de spéculer sur les titres des concessions que de creuser des puits d’extraction », admet en off le directeur exécutif de Chesapeake dans un courrier daté de 2008. En 2009, un analyste d’IHS, entreprise de conseil en investissement dans l’énergie, résumait les choses ainsi : « Ce qui s’entend, c’est que le business des gaz de schiste n’est qu’une chaîne de Ponzi géante. » Autrement dit un système qui n’a d’autre valeur que l’argent insufflé par les investisseurs.
L’accusation n’est pas la première du genre. En février, le numéro deux du géant gazier russe Gazprom, Alexandre Medvedev, comparait lui aussi l’explosion, ces dix dernières années, de la production du gaz de schistes aux États-Unis à la bulle Internet. Mais il s’agissait d’un représentant de la Russie, premier concurrent des États-Unis sur ce marché. Cette fois, les suspicions ne peuvent être qualifiées de géostratégiques. L’impact de leur révélation s’est d’ailleurs déjà fait sentir, relève le journaliste Matthieu Auzanneau sur son blog (2) : la semaine dernière, le cours des actions de plusieurs producteurs de gaz avait commencé à chuter.
Marché du gaz : le schiste risque de faire des bulles
Article lu sur l’Humanité.fr
Déjà des articles de notre "Revue de Presse" du 28 juin 2011 faisaient état de cette bulle spéculative :
Lire l’article sur Slate.fr
Lire l’article sur Le Devoir.com
Lire l’article sur Le Monde.fr